La dangereuse utopie de l’annulation des dettes publiques par la BCE


Rédigé le 2 Juillet 2020 à 14:33 commentaire(s) modifié le 3 Juillet 2020 13:52


(Equonet-Dakar) - Éric Pichet Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business Schoopar, aborde la question de l’annulation de la dette par la BCE qu’il qualifie de dangereuse utopie.


Depuis la doctrine  exposée par le journaliste britannique Walter Bagehot en 1873 dans son livre Lombard Street, la principale mission des banques centrales dans les crises financières est d’assurer la liquidité de l’économie. Pour cela, elles jouent le rôle de prêteur en dernier ressort aux banques solvables en contrepartie de collatéraux incontestables comme les emprunts d’État.
Instruites par l’expérience de la crise de 1929, les grandes banques centrales, confrontées aux insuffisances de cette politique conventionnelle malgré des taux d’intérêt abaissés à un niveau historiquement nul, ont initié en 2009 des politiques dites « non conventionnelles ».

Ces dernières sont fondées sur des achats massifs et durables de titres obligataires, principalement publics sur le marché secondaire (où les titres déjà émis s’échangent), pour maintenir les taux longs très bas et permettre ainsi aux entreprises et aux ménages d’emprunter pour soutenir l’activité et éviter le pire : la déflation, c’est-à-dire une baisse continue des prix qui entraîne un ralentissement de l’économie car les agents préfèrent attendre avant de dépenser, anticipant de futures baisses des prix.
Les achats de titres démultipliés
La Banque centrale européenne (BCE) a décliné cette nouvelle doctrine en mai 2010 via son Securities Markets Programme (SMP) consistant à racheter sur le marché secondaire les obligations souveraines des États de la zone euro victimes de la défiance des investisseurs. Ces derniers exigeaient alors des taux trop élevés pour acquérir ces titres (à savoir la Grèce, mais aussi le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne) pour un montant total d’environ 220 milliards d’euros, mais sans création monétaire.

Ce programme a pris fin en septembre 2012, remplacé par l’Outright Monetary Transactions, validé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 16 juin 2015.

Le 22 janvier 2015, la BCE va plus loin et met en œuvre, en imitant la Federal reserve (Fed) américaine, son assouplissement quantitatif (« quantitative easing », ou QE). Elle achète, toujours sur le marché secondaire, des titres obligataires publics et privés d’un montant de plus de 1 100 milliards d’euros  échelonnés entre mars 2015 et septembre 2016, mais cette fois avec création monétaire.

Cette politique devait cesser une fois la situation économique stabilisée, mais la crise sanitaire du Covid-19 et l’effondrement de la croissance  prévue en 2020 dans la zone euro (-10,2 % selon les prévisions du FMI de juin 2020) en a décidé autrement.

La BCE a au contraire démultiplié ses achats de titres, ajoutant aux 350 milliards d’euros du Purchase Sector Public, programme déjà en cours, un nouveau programme nettement plus ambitieux. Le montant de ce dernier, dit Pandemic Emergency Public Purchase, de 750 milliards d’euros le 18 mars 2020 a été encore renforcé de 600 milliards  le 4 juin 2020.

Auteur : Éric Pichet Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School

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Éric Pichet


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