Le plus gros marché du continent africain, la Côte d’Ivoire, représente 1% des revenus globaux de ventes de livres francophones estimés à un peu plus de 5 milliards d’euros


Rédigé le 4 Juillet 2021 à 17:25 | 0 commentaire(s) modifié le 7 Juillet 2021 09:42

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

(Equonet-Dakar) - Les revenus globaux de ventes de livres francophones sont estimés à un peu plus de 5 milliards d’euros; le continent africain représente un pour cent de ces revenus: un marché du livre francophone déséquilibré et asymétrique.


Le marché du livre en langue française se caractérise par une hypertrophie des pays du Nord et plus spécifiquement de la France, doublée d’une difficulté d’accès au marché français pour de nombreux éditeurs francophones. Il montre également un grand
morcellement et une faiblesse du marché au Sud.

Selon l’étude économique prospective réalisée par le cabinet BearingPoint dans le cadre des États généraux du livre en langue française dans le monde, les revenus globaux de ventes de livres francophones sont estimés à un peu plus de 5 milliards d’euros. L’Europe et l’Amérique du Nord représentent 95% de ces revenus et la France à elle seule en concentre 85%. Parmi les 5% restants, le plus gros marché du continent africain, celui de la Côte d’Ivoire, représenterait quant à lui, 1% de ces revenus.

Le livre inaccessible dans de nombreux pays du Sud par son prix

Qu’il s’agisse des livres importés, le plus souvent depuis la France ou le Canada, mais aussi des livres produits sur place, du fait notamment de taxes sur les intrants (sur le papier par exemple) ou de taux de TVA élevés, leur prix rapporté au pouvoir d’achat des populations les rend le plus souvent inaccessibles et réservés à une petite élite.

Ainsi, les informations recueillies dans le Panorama de l’édition francophone réalisé par le Bureau international de l’édition française (BIEF), dans le cadre des États généraux du livre en langue française dans le monde, permettent de prendre la mesure de cette réalité.

Le prix moyen d’un livre en France représente en effet en moyenne 0,34% du PIB mensuel par habitant (calculé en parité de pouvoir d’achat). Comparativement, le prix d’un livre produit localement en Afrique subsaharienne ramené au PIB mensuel moyen par habitant représente en moyenne 4,2%, soit 12 fois plus cher proportionnellement. Cette moyenne cache des disparités importantes avec des écarts allantde 1,3% du PIB en Côte d’Ivoire à près de 8% au Mali ou au Niger, soit entre 4 et 24 fois plus.

Pour les livres importés, le plus souvent depuis la France, l’écart se creuse encore. Le prix moyen d’un livre importé représente 9,1% du PIB mensuel moyen en Afrique subsaharienne, soit 30 fois plus cher proportionnellement.  À titre d’illustration, si de tels ratios s’appliquaient en France, le prix moyen d’un livre coûterait entre 150€ et 325€...

L’absence dans ces pays, d’un réseau structuré de bibliothèques publiques disposant des capacités d’acquisition de fonds et la présence très réduite des livres à l’école renforcent le caractère inaccessible du livre pour une grande
majorité de la population.

Le besoin de renforcer la structuration et la professionnalisation de la filière dans les pays du Sud

Du fait notamment de l’effet de taille des maisons d’édition et de l’absence d’un marché structuré dans de nombreux pays du Sud, le niveau de professionnalisation dans les différents métiers de la chaîne du livre est très hétérogène et apparaît comme un frein important à la constitution d’un secteur éditorial dynamique dans ces pays. Le déficit de professionnalisation rend difficile l’établissement de relations de confiance entre les acteurs de l’espace francophone, pourtant indispensables au développement des échanges professionnels.

L’absence de formation initiale ou continue autour des métiers du livre, soutenue au niveau national ou régional, affaiblit la capacité à attirer de nouveaux talents et à développer un secteur professionnel de qualité en mesure de renouveler des générations d’acteurs engagés depuis de nombreuses années au service du livre et de la lecture.

Parallèlement, le manque de structuration du secteur du livre par les professionnels eux-mêmes, ou sous l’impulsion des pouvoirs publics, freine le développement de son industrie. Il affaiblit le dialogue nécessaire avec les pouvoirs publics pour une mise en place de politiques publiques du livre ambitieuses et la création d’un environnement propice au développement économique du secteur. Il limite également les capacités de diffusion et de distribution au niveau national et les échanges internationaux permettant la circulation des oeuvres dans l’espace francophone.

Le renforcement de la professionnalisation et de la structuration de la filière du livre est également une condition indispensable pour engager une lutte efficace contre le piratage, véritable fléau pour l’émergence d’un secteur dynamique et pérenne.


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