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Loi sur le contenu local pétrole et gaz : le Club des investisseurs sénégalais détecte 9 points sources de problèmes et de confusions


Rédigé le 19 Février 2020 à 07:00 | 0 commentaire(s) modifié le 21 Février 2020 - 17:35

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

(Equonet-Dakar) –Bien qu’elle prévoit des dispositions accordant des avantages aux entreprises sénégalaises, la loi sur le contenu local dans le domaine du pétrole et du gaz ne rassure pas pour autant le Club des investisseurs sénégalais (CIS). Il y détecte au moins 9 points qui peuvent être des sources de problèmes et de confusions.


Le Club des investisseurs sénégalais (CIS) n’est pas indifférent à la loi relative au contenu local dans le domaine du pétrole et du gaz. Comme les autres organisations patronales sénégalaises, il a son mot à dire sur ce dispositif. Son directeur exécutif, Abdourahmane Diouf, qui porte sa voix, le résume en 9 points qui déjouent tous les pièges pouvant être néfastes aux entreprises nationales sénégalaises.

Les 9 points noirs du Club des investisseurs sénégalais

Point n°1 : C’est la mise en œuvre de la loi sur le contenu local. Le CIS estime que la mise en œuvre immédiate de cette règle impérative, telle que déclinée, pose la question fondamentale de son entrée en vigueur immédiate. Il voit un problème dans les décrets d’application en voie d’élaboration et d’autres décrets qui pourraient être générés par la mise en pratique de la Loi. «Cet état de fait pose la question du régime juridique des actes de contenu local posés, entre l’entrée en vigueur de la Loi et la prise d’effet des décrets. En fonction du contenu des décrets, les droits et obligations des parties prenantes peuvent fluctuer et donner droit à des imbroglios juridiques insolubles», fait savoir M. Diouf.
«Il s’y ajoute un fort risque d’effervescence de ‘’contenu local’’antérieure à la plateforme électronique, à la redéfinition de l’entreprise de droit national, entre autres, et préjudiciable au secteur privé national. Le statu quo doit profiter au secteur privé sénégalais. Entre les dispositions sur le contenu local à minima du code pétrolier de 1998, la non-entrée en matière des décrets d’application, les traités bilatéraux d’investissement et les dérogations liées aux besoins de stabilisation du co-contractant, il y a une zone grise qui ne donne aucune prévisibilité à la Loi sur le contenu local dont on ne sait plus sous quel empire du droit elle est exercée», fait-il comprendre.

Point n°2 : C’est la distinction que le CIS fait entre les régimes juridiques du contenu local de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Pour éviter toute confusion, le CIS demande à l’autorité compétente de mettre en relief le caractère obligatoire du contenu local. «Il faudrait faire ressortir cette obligation juridique du contenu dans tous les textes pour éviter les confusions avec la RSE», exige-t-il.

Point n°3 : L’organisation patronale demande à l’autorité de clarifier la notion de société de droit national au profit du secteur privé sénégalais.  De l’avis du CIS, la Loi sur le contenu local laisse une grande brèche qui risque de réduire à néant tous les efforts de traitement spécial et différencié consentis pour les entrepreneurs sénégalais. «Le critère strictement géographique retenu pour caractériser une société nationale ne répond pas au souci d’un développement économique endogène. Il faut l’élargir aux critères liés au capital et au management de l’entreprise. La Loi sur le contenu local est une opportunité de mettre le droit des sociétés au service de l’économie nationale», souligne Abdourahmane Diouf.
Comme solution, le directeur exécutif du CIS préconise d’inclure dans la définition de l’entreprise de droit sénégalais les critères supplémentaires :
• Capital social détenu pour 60% au moins par des personnes de nationalité sénégalaise - pour les sociétés en nom collectif, les SARL, les SA et les GIE avec capital social.
• Être dirigé, quantitativement et qualitativement, par des sénégalais. Le personnel de direction doit être à 80% de nationalité sénégalaise. Le personnel hors direction doit être à 90% de nationalité sénégalaise et communautaire.
 
Point n°4 : Le CIS se préoccupe des régimes différenciés et retour graduel. A ce niveau l’organisation patronale demande à l’autorité de barricader le régime exclusif pour éviter qu’il soit contourné. «Ce régime exclusif de protection doit être irréversible et verrouillé, de sorte à ne permettre aucune possibilité de contournement», indique M. Diouf
Sur le régime mixte, il suggère la mise en hiérarchie des bénéficiaires. «Il serait judicieux d’établir une relation de hiérarchie qui conforte une préférence nationale claire et qui fait du recours au privé international une option de second rang», plaide-t-il.
Sur le régime non exclusif, il préconise le transfert de technologie et la clause de retour graduel. «L’exclusivité des activités conférées aux entreprises étrangères pour défaut de compétences locales ne doivent pas être rigides et doivent être assorties d’une clause de retour graduel. La clause de retour graduel garantira une substitution progressive du secteur privé international par le secteur privé national», recommande-t-il.
 
Point n°5 : Les traités bilatéraux d’investissement (TBI) ont aussi intéressé le CIS. Etant donné que ces instruments de droit international génèrent moins de contenu local et sont supérieurs au droit national, le CIS y voit un risque important. C’est celui de voir la Loi sur le contenu local vidée de sa substance par des engagements juridiques extérieurs contraignants qui serviront de refuge aux co-contractants.
Par conséquent, il urge de diagnostiquer les TBI existants, d’évaluer l’état des droits et obligations concernés et de les dénoncer dans la perspective d’une application optimale des dispositions de la Loi et des décrets d’application. D’autant que cette difficulté est renforcée par la disposition sur la stabilisation des contrats antérieurs à la Loi sur le Contenu local qui place toutes les activités courantes à but de contenu local hors de son champ.
 
Point n°6 :Les prestations intellectuelles constituent aussi une préoccupation du CIS. A ce niveau il souhaite qu’une exclusivité soit accordée au cabinet prestataire qui sera choisi pour capter l’essentiel du dividende économique et qu’il soit sénégalais.
 
Point n°7 :La plateforme électronique, la redevabilité et la non-discrimination préoccupent aussi le CIS. En plus de réclamer la place du secteur privé dans ce dispositif, il juge important que la mise en place de la plateforme et ses modes de gestion fassent l’objet d’un appel à candidatures. Dans la mouture actuelle de la Loi sur le contenu local, l’appel à candidature est soumis à une dérogation importante qui laisse trop de marges de manœuvre au co-contractant.
Pour le CIS, cela ouvre la voie à une pratique discrétionnaire, voire arbitraire d’octrois de marchés, en dehors des principes d’égalité et de non-discrimination énoncés par la Loi. «La transparence et la redevabilité justifient l’importance de rendre obligatoire l’appel à candidature. Le recours au comité de suivi comme alternative au caractère obligatoire de l’appel d’offre risque d’être un biais majeur pour le secteur privé national», souligne M. Diouf.
 
Point n°8 :La composition du Comité national et l’élaboration d’un document de stratégie inquiètent le CIS. Dr. Diouf plaide pour qu’une marge de manœuvre importante puisse revenir au secteur privé national et à la société civile dans la gouvernance et la mise en œuvre des dispositions de contenu local. Pour cette organisation patronale, la composition de ce comité national sera un premier indicateur de la volonté de transparence. «Le secteur privé et la société civile spécialisée devraient y être représentés à hauteur de 70%, au moins», défend M. Diouf.
Il en va de même pour le document de stratégie programmé. Le CIS milite en faveur d’une démarche participative, nourrie par de pragmatiques consultations internes. Il est pour  une approche qui intègre les contributions de toute la chaine de valeur et des bénéficiaires potentiels des dispositions de contenu local.
 
Point n°9 : Les sanctions financières telles que prévues dans la Loi sur le contenu local, ne rassurent pas le CIS parce que non dissuasives. M. Diouf trouve que la sanction financière n’est pas calibrée pour grever des parts de budget importants à la société fautive. Mieux, il estime qu’une entreprise peut organiser son impunité à travers la budgétisation de fonds compensateurs qui entretiennent la situation de violation permanente des règles. «La sanction financière est dès lors un quitus à une illégalité permanente», souligne Abdourahmane Diouf.
A cet effet, M. Diouf rappelle que le respect des dispositions du contenu local est une condition du contrat et non une option. A son avis, il faut dès lors encourager les mesures dissuasives substantielles, pour renforcer les mesures de protection en place. «Les sanctions doivent se concentrer autour de la résiliation graduelle du contrat, de l’exclusion de la plateforme d’appel à concurrence, de l’interdiction de conclure des marchés liés aux activités pétrolières et gazières, etc», indique-t-il.
 



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