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Cheikhou Oumar Sy : il faut fixer une échéance raisonnable pour la mise place de la monnaie unique de la CEDEAO


Rédigé le 30 Décembre 2019 à 11:43 commentaire(s) modifié le 1 Janvier 2020 - 14:21

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

Equonet-Dakar) – De l’avis du professeur Cheikhou Oumar Sy, expert en banque/finance, le meilleur régime monétaire pour la CEDEAO sera celui qui permettra à la monnaie unique ECO de, entre autres, favoriser le développement des échanges économiques entre les pays membres de cet espace dans le cadre d’un marché intérieur commun porteur de croissance et de développement durable. Mais ce directeur d’International banking & financial center (IBFC) pense qu’il faut au préalable fixer une échéance raisonnable pour la mise place de la monnaie unique de la CEDEAO (exemple 2024). Car, explique-t-il dans l’entretien qu’il nous accordé, l’empressement produit toujours un travail insuffisant et par conséquent source d’échec. Dans cet ordre d’idée, il affirme que l’échéance de juillet 2020 n’est pas faisable eu égard aux différents reports d’échéances (2003, 2005, 2009 et 2015) constatés dans l’exécution du programme de mise en place d’une zone monétaire d’Afrique de l’ouest (ZMAO) unique de la CEDEAO. Pour lui, ces multiples reports traduisent un échec qui s’explique par diverses raisons et qui pourrait être éviter comme l’a réussi l’Union européenne.


Equonet : Avec le changement du nom de la monnaie Franc CFA en ECO, lorsque les pays de l'UEMOA intégreront la nouvelle zone ECO de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), puis l’arrêt de la centralisation des réserves de change au Trésor français, la fermeture du compte d’opérations et le transfert à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) des ressources disponibles dans le compte et enfin le retrait de tous les représentants français dans les organes de décision et de gestion de l’Union monétaire ouest africaine - UMOA - (conseil d’administration de la BCEAO, commission bancaire et comité de politique monétaire), peut-on considérer que les décideurs africains ont franchi un pas vers l'adoption d'une monnaie unique dans la Cedeao en 2020, même si le taux de change fixe par rapport à l’euro sera maintenu et que la France continuera à assurer la garantie de convertibilité illimitée de la monnaie ?
 
Cheikh Oumar Sy : Oui j’affirme que c’est une avancée sérieuse vers la mise en place d’une monnaie unique de la CEDEAO. En effet, le communiqué final du 21/12/2019 de la 56éme conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a félicité d’abord le comité ministériel de la CEDEAO pour les progrès enregistrés dans la mise en œuvre du programme de monnaie unique de la CEDEAO.
 
Ensuite, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, après avoir écouté Alassane Ouattara, président en exercice de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), annoncé les axes principaux de la réforme du système monétaire de l’UMOA, a pris acte des transformations importantes en cours au niveau de la zone monétaire de l’UMOA et considère que ces transformations faciliteront l’intégration de la zone monétaire de l’UMOA dans la future zone monétaire de la CEDEAO dont l’ECO est choisie comme monnaie unique et la Banque centrale de l’Afrique de l’ouest (BCAO) comme banque centrale unique.
 
Toutefois, j’affirme que l’échéance de juillet 2020 n’est pas faisable eu égard aux différents reports d’échéances (2003, 2005, 2009 et 2015) constatés dans l’exécution du programme de mise en place d’une zone monétaire d’Afrique de l’ouest (ZMAO) unique de la CEDEAO. L’heure est au travail sérieux et c’est celui des experts en la matière, les autorités politiques et monétaires et la société civile.
 
Justement. Interrogeons l’histoire en rappelant qu’en 2000, les pays d'Afrique de l'ouest ont exprimé leur volonté d'accélérer ce processus d’intégration monétaire entamé au début des années 1980, qui s’est concrétisée par un projet prévoyant la création en deux phases d’une monnaie unique en Afrique de l’Ouest. Ce plan prévoyait, dans sa première phase, le lancement en janvier 2015 d’une monnaie unique, l’Eco, par les pays membres de la ZMAO. Dans un deuxième temps, la ZMAO devait fusionner avec l’UMOA pour créer, en 2020, une monnaie unique dans l’ensemble des quinze pays membres de la CEDEAO. Après trois reports, en 2003, 2005 et 2009, les responsables ouest-africains ont finalement renoncé, en juillet 2014, à lancer l’Eco en janvier 2015, invoquant le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique entre les États membres de la ZMAO. À cette occasion, ils ont également décidé de changer de stratégie en abandonnant l’étape intermédiaire de 2015 avec la monnaie unique de la ZMAO, et en reprogrammant la création d’une monnaie unique pour l’ensemble de la CEDEAO pour 2020. Le non-respect de l’échéance 2015 pour le lancement de la monnaie unique dans la ZMAO et les trois reports successifs ne manquent pas d’alimenter le débat sur la monnaie unique en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, ce débat est revenu avec les nouvelles décisions des autorités citées plus haut. Quels commentaires ces situations vous inspirent ?
 
Le plan de création et de lancement d’une monnaie unique de la mise en place de la ZMAO sur une période de 15 ans (1980 à 2015) a fait échec, en dépit des félicitations formulées à l’endroit du comité ministériel de la CEDEAO par la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO dans le communiqué final du 21/12/2019 de la 56ème conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO.
 
La principale raison évoquée, d’après votre question, est le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique entre les Etats membres de la CEDEAO. Je confirme que c’est le cas, ce qui est inadmissible pour un projet aussi important. En effet, le début des années 1980 a été marqué par l’accélération de la mondialisation et la globalisation financière, sous l’égide du groupe des huit pays les plus riches du monde (G8). Depuis cet instant, le projet de mise en place de la zone Euro était lancé dans l’Union européenne (Ue) et après de nombreuses discutions et contradictions, finalement 11 pays, parmi les 15 membres de l’Ue, ont mis en place la zone Euro en 1999 (19 ans après) et les pièces et billets en Euro ont commencé à circuler en 2001.
 
Les autorités politiques et monétaires de l’UMOA et de la CEDEAO n’ont jamais compris ou pris au sérieux ces mutations du système monétaire européen qui étaient une réponse à la globalisation financière qui accompagnait la mondialisation et qui avait modifié profondément le système monétaire international (SMI) issu des accords de Brettonwoods. Au sein de la CEDEAO a toujours existé huit (8) monnaies dont sept (7) monnaies autonomes et une rattachée à l’Euro : le F.CFA. Cette dispersion monétaire constituait, et continue de constituer un handicap majeur pour l’intégration économique au sein de l’Afrique de l’Ouest.
 
De 1980 à 2020, 40 ans d’échecs et de reports qu’il faut considérer pour travailler sérieusement ce projet de monnaie unique de la CEDEAO.
 
A votre avis, qu’est-ce qui bloque ou empêche la création d’une monnaie unique en Afrique de l’ouest ?
 
Je sais qu’au sein de la CEDEAO, les chefs d’Etat et de gouvernement n’ont pas les mêmes préoccupations en termes de politique économique. Le non-respect de certains ratios importants des critères de convergence économiques en est une illustration. L’absence de solidarité et les différences en termes d’héritage colonial constituent des obstacles sérieux, sans négliger la peur d’engager des réformes dont on ne maitrise pas les fondements théoriques et pratiques, quand il s’agit de questions économiques et monétaires. En effet, les sept (7) pays de la CEDEAO hors UEMOA ont des systèmes monétaires autonomes dont ils sont habitués et ont toujours hésité à s’en séparer au profit d’une monnaie unique de la CEDEAO qui présente des risques politiques.
 
Au vu de ce qui précède, ne craignez-vous pas un nième report de l’échéance et Que préconisez-vous pour atteindre cet objectif ?
 
Mon point de vue est clair, il faut fixer une échéance raisonnable pour la mise place de la monnaie unique de la CEDEAO (exemple 2024). L’empressement produit toujours un travail insuffisant et par conséquent source d’échec. Le projet est très sérieux pour nécessiter les apports des experts dans le domaine, des autorités politiques et monétaires, de la société civile…L’année 2020 doit être une période de formation et de sensibilisation des populations, toutes les couches sociales confondues, afin qu’elles s’approprient du projet, parallèlement aux travaux techniques, le seul garant de la réussite du projet est la confiance que les futurs utilisateurs de la monnaie unique ECO auront.
 
Selon vous, quels sont les avantages et les inconvénients que cette monnaie unique en Afrique peuvent-ils apporter aux populations et aux économies des pays de la CEDEAO ?
 
Les avantages et les inconvénients de la future monnaie unique ECO dépendent du choix de régime de change choisi. A la lecture du communiqué final de la 56ème conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO d’une part et à l’écoute des allocutions du président français Emmanuel MACRON et d’Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire et président en exercice de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA, le régime monétaire choisi est la parité fixe Euro/ECO. Dès lors, les avantages et les inconvénients peuvent être déclinés comme suit :
  • Les avantages de la monnaie ECO peuvent être :
* l’optimisation des échanges économiques entre les opérateurs économiques des pays de la CEDEAO, car la future ZMAO comportera une monnaie contre huit (8) avant, sans oublier la libre transférabilité de l’ECO au sein de la CEDEAO,
* le renforcement de la convergence économique entre les Etats membres, car ce qui manquait à la CEDEAO c’est l’Union monétaire,
* la possibilité des populations de développer un commerce intra-zone et bien profiter du TEC (Tarif Extérieur Commun), en contournant les barrières culturelles et linguistiques,
* la possibilité pour les exportateurs de la CEDEAO d’avoir une visibilité à terme de leurs créances facturées en euro, liée à la stabilité des prix.
  • Les inconvénients de la monnaie ECO peuvent toucher :
* l’impossibilité d’optimiser nos réserves de change, avec le taux change fixe EUR/ECO,
  • * la difficulté de diversifier nos partenaires extérieurs, car l’ECO arrimée à l’EUR favorise les investisseurs étrangers de la zone Euro qui ne courent pas de risques de change, contrairement aux partenaires étrangers des zones USD (Etats-Unis), GBP (Grande Bretagne), YUAN (Chinois) et JPY(Japon) les autres monnaies dominantes du système monétaire international,
  • * la perte de souveraineté économique et monétaire, avec la garantie de convertibilité de l’ECO par rapport aux autres devises évoquées précédemment, car qui garantit a le droit à l’information et au contrôle.
  • La densité de la réglementation des changes qui est de nature à limiter les sorties de devises pour nos commerçants et commerçantes qui ont un courant d’affaires en Asie, dans le Maghreb, en Asie……
En définitive, le meilleur régime monétaire pour la CEDEAO sera celui qui permettra à la monnaie unique ECO de :
  • Favoriser le développement des échanges économiques entre les pays membres de la CEDEAO dans le cadre d’un marché intérieur commun porteur de croissance et de développement durable,
  • Permettre la diversification des partenaires extérieurs (Investissements Directs Etrangers) et faciliter l’acquisition du meilleur équilibre de notre commerce extérieur,
  • Garantir l’acquisition de réserves de change substantielles pour sauvegarder la valeur interne et externe de l’ECO.


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