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Mansa Oualy, coordonnateur du Padef-Ej : «la finance islamique ajoute de la stabilité au secteur financier»


Rédigé le 24 Décembre 2019 à 20:28 commentaire(s) modifié le 26 Décembre 2019 - 17:18

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

(Equonet-Dakar) – Pour plusieurs raisons, le Sénégal est en bonne position de devenir un hub de la finance islamique. Caractérisée par la conformité de ses produits avec la charia, elle présente beaucoup d’avantages, ainsi que l’explique Mansa Oualy, coordonnateur du Projet d’appui au développement de l’entrepreneuriat féminin et de l’emploi des jeunes (Padef-Ej). Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il met en avant les performances réalisées en moins de 2 ans tout en relativisant le faible taux d’absorption des crédits. Pour cette raison, il peut espérer avoir une prorogation du projet qui arrive à son terme. D’autant que les prochaines étapes s’annoncent prometteuses.


  1. (Equonet-Dakar) - Pouvez-vous nous expliquer le financement islamique basé sur l'actif et pourquoi cette option ?
Le système de financement islamique se présente comme un modèle alternatif qui, par sa nature même, fait le lien entre l’économie réelle et l’économie financière. Ce qui caractérise la finance islamique, c’est la conformité de ses produits avec la charia qui tire ses sources du Saint Coran, de la Sunna, de l’Ijmaa (consensus) et de l’Ijtihad (analogie).
Cette option  a une justification simple tenant d’abord au fait  que le bailleur du PADEF-EJ est la Banque Islamique de Développement dont le système colle parfaitement avec la volonté de l’Etat du Sénégal d’implémenter ce mode de financement dans l’environnement socio économique de la microfinance. Cette volonté des autorités se traduit justement par la création de la Haute autorité du Waqf (HAW) et du cadre juridique (loi nº2015- 11 du 06 mai 2015) qui régit le concept (Waqf). Le Waqf, défini comme tout bien dont la nue-propriété est immobilisée à perpétuité ou à temps et dont la jouissance est affectée à une œuvre de charité et de bienfaisance publique ou privée. D’ailleurs, le Sénégal est le premier pays en Afrique de l’ouest à se doter d’un cadre juridique sur le Waqf et d’une institution publique dédiée (HAW).
En outre, je dois rappeler que le Sénégal a fait le choix d’exploiter les solutions de financement offertes par la finance islamique en devenant le premier pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à émettre deux sukuks (2014 et 2016).
Pour toutes ces raisons, la Banque islamique veut faire du Sénégal un hub de la finance islamique en Afrique et le PADEF-EJ constitue un des projets clés du portefeuille de la BID au Sénégal.
 
  1. En quoi il se distingue de la finance classique et quels sont ses avantages
A la différence de la finance classique la finance islamique est basée fondamentalement sur les préceptes et principes de l’islam à savoir (i) L’interdiction du Riba (intérêt sous toutes ses formes) dans toutes les transactions financières ; (ii) L’interdiction du Gharar (tromperie et défaut de transparence induisant  une incertitude excessive dans les transactions) comme la vente des produits probables dont l’existence ou les caractéristiques ne sont pas connus avec certitude du fait de la nature hasardeuse qui rend la transaction semblable aux jeux de hasard, également prohibé ; (iii) Le partage des profits et des pertes. Le droit au profit est une contrepartie d’avoir assumé le risque d’une perte éventuelle et vice versa   (iv) L’existence d’un actif tangible sous-jacent (une opération financière doit reposer sur des biens réels) ; (v) Les relations contractuelles doivent toujours être fondées sur la confiance, l’honnêteté et l’intégrité. Les pertes et les profits illicites, et la fraude ou la tromperie et l’enrichissement sans cause sont bannis.
Toutefois, là où la finance islamique rejoint la finance conventionnelle c’est qu’elle ne s’adresse pas uniquement aux personnes de confession musulmane mais à tous, sans distinction de religion.
La finance islamique a des avantages importants par rapport aux produits financiers classiques. Son interdiction de l’intérêt et l’exigence que les investissements soient liés à l’économie réelle, ainsi que son approche du partage des bénéfices et des pertes, ajoutent de la stabilité au secteur financier. En effet, en lieu et place de l’intérêt la finance islamique opte pour un partage des profits mais aussi des pertes. Ce partage ne concerne que les résultats après déduction de toutes les charges y compris la rémunération de l’exploitant. En plus, la clé de répartition n’est pas imposée par la banque mais plutôt déterminée par négociation entre les parties prenantes. Dans les financements islamiques, les banques assument autant de risques que leurs clients dans les projets et cela à cause du principe selon lequel c’est celui qui est à même d’assumer les risques qui doit le faire. Les banques islamiques agissent ainsi sauf si les pertes sont dues à des fautes de gestion de l’entrepreneur (négligence, mauvaise foi…).
La finance islamique peut également améliorer l’inclusion financière, car elle permet à toutes les couches exclues du système bancaire classique de bénéficier de ce mode de financement 
 
  1. Entre 2018 et 2019, vous avez financé 159 projets pour un montant total de 183.331.350 FCFA alors que l'enveloppe totale des lignes de financement islamique est de 4,5 milliards FCFA. Le constat qui se dégage est que le taux d'absorption est faible; Comment l'expliquez-vous ?
Excellente question !!! De manière absolue, je peux vous concéder ce faible taux d’absorption. Mais il est extrêmement important de relativiser ce constat brut dans la mesure où ce niveau de décaissement a été réalisé en moins de 2 ans ; nos activités de financement n’ont effectivement démarré qu’en avril 2018. Et justement, j’estime que c’est une performance notable eu égard à la nouveauté du produit islamique. 
En effet, il a subsisté des prérequis au niveau de l’offre (les SFD partenaires) à savoir le renforcement de capacités du personnel de ces institutions financières. Aussi, il fallait s’assurer que les Systèmes d’Information et de Gestion (SIG) de ces SFD prenaient en compte le produit finance islamique à travers une mise en conformité.
Au niveau de la demande, la communication/sensibilisation a été l’un des points épineux que nous avons cherché à adresser. En effet, le challenge est d’initier le grand public à une industrie qui reste encore peu suffisamment connue. Et cela doit se faire sur un marché dominé par les établissements conventionnels, dont il faut se différencier, lever tout amalgame sur cette spécificité de la finance islamique. C’est un travail de longue haleine que nous allons poursuivre les années à venir.
 
  1. Le PADEF-EJ arrive pratiquement à son terme et il y a un risque que ces lignes de financement islamique non consommées soient utilisées dans d'autres projets alors que la demande de financement des femmes et des jeunes filles est importante. Que comptez-vous faire pour la pérennité du projet et pour répondre aux besoins de financement des femmes et des jeunes filles ?
Certes le projet arrive bientôt à terme mais une demande de prorogation a été introduite et nous avons espoir que le bailleur et la partie gouvernementale vont donner une suite favorable.
Nous sommes tout à fait conscients de l’existence de la demande au niveau des cibles que nous tenterons de toucher par une vaste  campagne d’information et de sensibilisation pour susciter leur intérêt par rapport aux opportunités offertes par le PADEF-EJ. Par ailleurs, une forte orientation sera accordée au financement du maillon transformation des différentes chaines de valeur. Cette option est motivée par le fait que les femmes sont généralement très présentes dans ce secteur d’une part, et d’autre part la transformation des produits permet de créer de la valeur ajoutée et son corollaire la création d’emplois.
 
5) Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans l'exécution du projet et comment vous comptez y remédier ?

En plus des lourdeurs d’ordre procédural inhérent le plus souvent à tout projet dont on a une bonne maitrise maintenant, l’une des contraintes que je qualifierai plutôt de challenge est la forte appropriation du produit islamique tant par l’offre que par la demande.
Et l’objectif ultime est de booster l’absorption de la ligne de financement au bénéfice des femmes et des jeunes filles.
Pour un meilleur maillage du territoire national, nous comptons justement enrôler deux à trois autres SFD supplémentaires pour relever le taux d’absorption

6) Quels sont les impacts de ces financements sur les conditions de vie économique et sociale des bénéficiaires ?

Nos différentes missions de suivi des financements ont permis de constater que les bénéficiaires ont vu leurs revenus augmenter. Elles ont pour la plupart montré leur adhésion au mode de financement islamique qui répond parfaitement à leurs attentes.  En attestent  comme vous avez pu le constater lors de l’atelier organisé avec le COJES les témoignages des trois bénéficiaires de financements qui y étaient conviées. Si vous prenez l’exemple de la pâtisserie à Rufisque exploitée par Mme Ndoye, les financements lui ont permis de développer son activité de façon considérable. Elle emploie aujourd’hui 17 personnes qui travaillent à temps plein pour pouvoir satisfaire la demande de sa clientèle. Un autre exemple est celui de Mme Diédhiou à qui on a financé l’achat d’un véhicule et d’une machine à laver pour développer son pressing. En effet, le véhicule utilisé pour faire le ramassage du linge ainsi que la livraison lui permet d’élargir sa clientèle permettant ainsi l’augmentation du chiffre d’affaires.
 
7) Nous entrons bientôt en 2020 qui marque la première de la décennie, quels sont vos perspectives pour mieux répondre à l'objectif global du projet, à savoir l'amélioration des conditions de vie économique et sociale des femmes et des jeunes filles ?

Au-delà de l’enrôlement de nouveaux SFD que j’ai évoqué, nous comptons donner une nouvelle orientation à la Ligne de Financement Islamique vers le financement d’unités semi industrielles et industrielles en mettant le focus sur le maillon de la transformation où les femmes sont très présentes.
A côté du financement islamique, nous avons aussi un autre volet extrêmement important portant sur le développement de trois (3) chaines de valeur riz, horticulture et lait. En effet, le PADEF-EJ a démarré la construction d’infrastructures communautaires de production et post production pour les femmes dans les 3 régions de Saint Louis, Louga et Matam. En termes de perspectives, il s’agira justement de terminer la construction de 2 centres de groupage de produits horticoles, 3 complexes de rizeries, 4 magasins de stockage, 4 unités de transformation et de commercialisation de céréales et de les doter en équipements. 
 
 


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