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Maroc : relever le défi de concilier tourisme durable et mégaprojets


Rédigé le 3 Juin 2016 à 12:56 | 0 commentaire(s) modifié le 5 Juin 2016 - 15:21


Ecofinance.sn (Dakar) - Cela pourrait tenir du grand écart, mais le royaume chérifien y croit dur comme fer. Depuis que le 26 janvier, il a renouvelé sa charte du tourisme responsable.


Maroc : relever le défi de concilier tourisme durable et mégaprojets

«Quand un Marocain consomme 100 litres d'eau par jour, un touriste en consomme 300», a rappelé Hakima El Haite, ministre déléguée en charge de l'Environnement, lors de la première journée du tourisme responsable.

C'était à Rabat le 26 janvier dernier. Alors que le royaume s'apprête à recevoir la COP22 et que le secteur touristique – près de 7 % du PIB – accuse une baisse de 1 % des arrivées en 2015, le ministère du Tourisme a signé une nouvelle charte du tourisme durable et responsable. Si elle n'a pas force de loi, cette charte renouvelle l'engagement politique du royaume.

«On a ajouté les responsabilités relevant de chaque acteur, chaque opérateur de la chaîne», précise Nada Roudes, secrétaire générale du ministère. 28 organisations publiques et privées se sont ainsi succédé pour la signer. Sans déclinaison de ces engagements en objectifs chiffrés pour chaque opérateur – à l'image de ce qui se fait pour les nouveaux objectifs du développement durable de l'ONU – la charte risque pourtant de rester lettre morte.

«Le processus de reporting n'a pas encore été défini, mais on y réfléchit. C'est quelque chose qui n'existait pas dans la première version de la charte», précise la secrétaire générale du ministère.
 

La mise en oeuvre de la nouvelle charte : un vrai challenge


Sa concrétisation est d'autant plus importante que depuis 15 ans la stratégie nationale de développement du tourisme a plutôt renforcé la littoralisation, le bétonnage et la privatisation des côtes aux dépens des espaces et des ressources naturelles.

Le Plan Azur lancé en 2001 devait voir émerger 6 stations balnéaires de grande envergure. Saïdia, au nord-est, sur la côte méditerranéenne, a été inaugurée en 2009. «Les aménagements réalisés par Fadesa (promoteur immobilier) à proximité de la plage annoncent […] l'amaigrissement puis le recul de la plage. Les dunes ne pourront plus assurer leur rôle protecteur face à l'érosion marine et éolienne. La probabilité de surélévation du niveau marin à l'avenir pourra aggraver la situation des infrastructures hôtelières qui bordent la mer», révèle Taieb Boumeaza dans son article «Impacts écologiques des aménagements touristiques sur le littoral de Saïdia», paru en 2010. 
 

Conscients des dégâts qui ont été causés, les pouvoirs publics revoient leur approche. «À Saadia, on est en train de revoir l'aménagement touristique pour prévoir une approche de développement durable», indique Lahcen Haddad, ministre du Tourisme. Il n'est cependant pas question de détruire quoi que ce soit. La marge de manœuvre des pouvoirs publics se situe désormais sur les stations balnéaires du Plan Azur qui n'ont pas encore été construites, du fait du retard pris dans sa réalisation.

«On retravaille actuellement au Plan Azur. La station de Taghazout [une plage, spot de surf, près d'Agadir, NDLR], par exemple, a été redimensionnée. Le nouveau projet prend en compte le respect du développement durable dans la construction, par l'impact sur les sols …», assure le ministre. Un projet soutenu par la loi littoral adoptée, enfin, en juin 2015, à la veille de la COP21. Elle instaure notamment une zone non constructible de 100 mètres, ainsi qu'une zone de retrait des infrastructures de transport de 2 000 mètres.
 

Des infrastructures à travers le prisme environnemental : une démarche pas gagnée d'avance


La volonté des pouvoirs publics de revoir en profondeur les projets d'infrastructures touristiques et urbanistiques au prisme environnement, est-elle durable ? Les deux projets touristiques marocains les plus récents, lancés en 2014 en font douter.

«À Casablanca, l'idée est de créer une deuxième corniche : construire une marina touristique, destinée particulièrement au tourisme interne, un port de plaisance avec des installations culturelles, comme une cité des sciences comparable à celle de la Villette à Paris», explique Tarik Senhaji, directeur général du Fonds marocain du tourisme (FMDT), associé avec plusieurs fonds souverains des pays du Golfe au sein du Fonds d'investissement Wessal Capital, promoteur du projet. 
 

Si un tel projet à Casablanca prend la place de l'actuel port de pêche, à Rabat, il s'agit d'aménager la vallée du Bouregreg, un espace peu urbanisé, encore largement agricole. Organisé autour d'un vaste complexe culturel composé d'un musée, d'un grand théâtre, d'une bibliothèque et d'une maison de la culture, le projet sera complété de vastes résidences de luxes et d'un méga mall commercial.

«J'ai vu naître ce projet et je suis assez critique. On a besoin d'aménager, c'est certain, mais on ne peut pas urbaniser une zone humide. En plus, on va faire disparaître une activité agricole. On pourrait plutôt développer un tourisme rural et écologique de loisir. Là, l'environnement ne devient plus qu'un cadre à l'urbanisation plutôt qu'un objet de valorisation», regrette Mounia Bennani, membre de l'association Rabat Mémoire.

«Tout l'enjeu, c'est de réussir à créer ce genre de gros projets tout en respectant les normes environnementales dans chaque domaine de l'implantation au sol à la construction et l'exploitation, se défend Nouda Roudes. On ne peut pas stopper le développement pour préserver l'environnement, ce n'est pas durable non plus. Il faut parvenir au juste équilibre.»

Julie Chaudier/Le Ponit Afrique



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