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La Turquie et la violence à l'égard des femmes : des progrès éclipsés par les faibles taux de signalement, les restrictions imposées aux ONG, les mariages forcés et précoces, et la culpabilisation des victimes


Rédigé le 15 Octobre 2018 à 13:29 | 0 commentaire(s) modifié le 16 Octobre 2018 - 18:12


(Ecofinance.sn – Dakar) - Dans son premier rapport consacré à la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (« Convention d’Istanbul ») par la Turquie, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) salue les initiatives positives. Il signale cependant des lacunes persistantes dans les lois, les politiques et les mesures destinées à éradiquer la violence. Il formule également des propositions et des suggestions visant à améliorer la mise en œuvre de la Convention.


S’agissant des progrès, le GREVIO salue les réformes engagées pour mettre la législation pénale turque en conformité avec les exigences de la Convention, et les efforts déployés pour que les mesures de lutte contre la violence profitent à tous les groupes de victimes, en particulier aux femmes et aux enfants qui sont exposés à une discrimination multiple (ou risquent d’y être exposés).

Il relève des exemples positifs de coopération entre les autorités et les ONG en matière de prestation de services aux femmes, et observe des progrès dans la sensibilisation de la population en général et des victimes en particulier à l’existence de mécanismes institutionnels à même de protéger et de soutenir les victimes de violences. Il se réjouit de la mise en place d’un réseau de şönims, qui coordonnent et supervisent les mesures de protection et proposent des services généraux et spécialisés et des formations pour les professionnels en contact avec des victimes.

Cependant, le GREVIO constate avec une vive inquiétude que des conceptions restrictives et stéréotypées du rôle des femmes restent très répandues dans la société turque, y compris aux plus hauts niveaux de la politique et de l’administration, et continuent de nourrir la violence envers les femmes. La Turquie a omis d’évaluer l’impact potentiel de certaines politiques adoptées récemment sur l’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui risque de nuire aux efforts entrepris pour éradiquer les stéréotypes discriminatoires persistants qui entourent les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société.

Les expertes du GREVIO reconnaissent que la protection des femmes contre la violence s’est améliorée mais soulignent que l’impunité reste préoccupante, dans la mesure où il n’y a pas assez de données et de preuves attestant que les actes de violence font l’objet d’enquêtes, de poursuites et de sanctions effectives. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que la Turquie réponde à la violence envers les femmes avec la même fermeté dans tout l’éventail des « 4 P », à savoir la prévention, la protection, les poursuites et les politiques intégrées.

Le GREVIO s’inquiète des faibles taux de signalement de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Les obstacles qui empêchent les victimes de signaler ces violences comprennent la stigmatisation, la peur de représailles, la dépendance économique par rapport à l’auteur des violences, la méconnaissance du droit, la barrière de la langue et/ou la défiance envers les services répressifs. Les viols et d’autres formes de violence sexuelle « ne sont quasiment jamais signalés par les victimes elles-mêmes », souligne le GREVIO. Cela pourrait être imputable à une idée fausse selon laquelle le viol serait de la « faute » de la victime et constituerait un « déshonneur pour la famille ». À cause de cette « vision déformée », les victimes de viol risquent d’être sanctionnées et exposées à de nouvelles violences, notent les expertes.

En outre, le rapport constate que les mariages précoces et les mariages forcés sont fréquents : plus de 25 % des femmes vivant en Turquie ont indiqué avoir été mariées avant l’âge de 18 ans et ce pourcentage atteint 32 % en zone rurale.

Les expertes se déclarent préoccupées par la violence psychologique, qui est « la forme la plus répandue de violence domestique à l’égard des femmes en Turquie ». Autre forme de violence qui inquiète les expertes : le harcèlement. Selon des données de prévalence récentes, 27 % des femmes turques ont été harcelées au moins une fois dans leur vie. Pourtant, le harcèlement ne constitue pas une infraction distincte en droit pénal turc.

Le GREVIO constate aussi avec inquiétude que des circonstances atténuantes sont souvent accordées dans les affaires de violence à l'égard des femmes, ce qui pourrait s’expliquer par des préjugés sexistes et par la culpabilisation des victimes.

Enfin, les expertes se déclarent préoccupées par les « conditions de plus en plus restrictives » imposées aux organisations de femmes indépendantes.

Le GREVIO exhorte les autorités turques :
  • à renforcer les mesures visant à identifier et combler les lacunes de l’action institutionnelle contre la violence à l’égard des femmes, conformément à leur devoir de diligence ;
  • à reconnaître le mariage forcé comme une infraction pénale à part entière et à veiller à ce qu’aucune victime de viol ou de harcèlement ne soit contrainte au mariage avec l’auteur de ces actes et à ce que le mariage ne rende pas ces actes non avenus ;
  • à ériger le harcèlement en infraction distincte, en tenant dûment compte de ses manifestations possibles dans l’espace numérique ;
  • à agir avec la diligence voulue pour (a) examiner systématiquement et prendre en compte le risque de revictimisation en appliquant des mesures efficaces pour protéger les victimes contre de nouvelles violences et de nouveaux préjudices, et (b) enquêter sur les actes de violence et les sanctionner ;
  • à amener à répondre de leurs actes les agents de l’État qui, manquant à leur devoir, commettent des actes de violence, tolèrent ou minimisent la violence, ou culpabilisent les victimes ;
  • à sensibiliser les membres des services répressifs et du corps judiciaire au phénomène de la violence psychologique, notamment en organisant des formations et en élaborant des protocoles et des directives.
 
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